Conseil métropolitainEmploi

[Intervention] Politique de l’insertion : ouvrons de nouvelles perspectives – Céline Deslattes

By 19 décembre 2020No Comments

Céline Deslattes

Vice-présidente à l’emploi, l’insertion et la jeunesse

Lorsque nous parlons de structures d’insertion par l’économie, il est très intéressant de regarder un peu en arrière pour voir comment se sont construit les politiques d’insertion.

Et par la même de revenir sur la signification de l’insertion en tant que telle.

En effet, les premières initiatives, ont vu le jour dans les années 60 à l’époque du plein emploi. Au fil des années il a été été reconnu par la loi mais avec une philosophie toute différente.

A partir de 1970, par la création d’entreprises sociales liées aux centres d’hébergement et de réadaptation sociale (CHRS, le mot réadaptation étant ensuite remplacé par réinsertion). Ces entreprises ne visaient pas l’emploi, mais l’autonomie des personnes par le travail, que ce soit de manière durable dans un cadre protégé ou comme transition possible vers le marché du travail.

Au milieu des années 70, des travailleurs sociaux dénonçaient également le travail social comme contrôle des populations déshéritées ; ils refusaient le concept de  » handicap social « , qui servit un temps à justifier l’insertion 1. Ces travailleurs sociaux inventèrent alors des entreprises alternatives d’insertion, en s’inspirant de l’autogestion et en faisant participer les personnes en insertion à l’organisation de la structure, tout en refusant la domination de l’économie de marché et la soumission à une économie libérale.

Une circulaire de septembre 1979 de la Direction générale de l’action sociale (DGAS) vint encourager ces expériences. Elle permit leur démultiplication tout en légitimant deux filières : l’une d’insertion durable dans un cadre protégé (qui a donné les entreprises adaptées et les centres d’aide par le travail, réservés aux personnes handicapées physiques ou mentales), l’autre de transition (le sas) vers le marché du travail, qui a donné le secteur de l’IAE, destiné aux personnes en difficulté sur le marché du travail.

Contrairement à ce qu’indiquent nombre d’analyses, l’insertion par un travail ne fut donc pas initialement une réponse à une situation économique délétère (le choc de 1974). Ce fut avant tout des manières de critiquer et de transformer le travail social, vecteur malgré lui d’assistance et de non participation active des citoyennes et des citoyens.

Et c’est d’ailleurs dans le prolongement des expériences de Bertrand Schwartz (à qui l’on doit toute la structuration des missions locales), qui contribuèrent à légitimer politiquement l’insertion, des entreprises intermédiaires surgirent au début des années 80.

Les années 90 vont être celles de l’institutionnalisation, de l’encadrement de plus en plus fort des expériences et de la raréfaction des innovations. Les entreprises de travail temporaire d’insertion (Etti) sont promulguées en 1991, sans aucun doute pour concurrencer les AI. Celles-ci ne plaisaient en effet guère au ministre de l’Emploi, car elles n’offraient que des emplois occasionnels dérogatoires au droit commun, sans liaison étroite avec le marché du travail. Parallèlement, les groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification (Geiq) sont initiés dès 1988 sur une idée de Bertrand Schwartz, qui n’avait jamais vu le jour en tant que telle : celle de créer des associations de main-d’œuvre et de formation

Les ateliers et chantiers d’insertion (ACI) se sont également fortement développés dans les années 90, non sans lien avec le durcissement des phénomènes d’exclusion qui a marqué les années 1993-1996. Les EI ne pouvant plus parvenir à insérer les plus vulnérables, des associations ont souhaité développer, à travers les ACI, des actions moins formalisées et plus ponctuelles d’insertion par l’économique. Avec la loi de lutte contre les exclusions de 1998, les SIAE ont enfin vu leur légitimité et leur encadrement renforcés. Leur statut est alors inscrit dans le code du travail (celui des ACI ne le sera qu’en 2005, avec la loi de cohésion sociale). Le temps des innovations associatives appartient déjà au passé.

Il existe donc une pluralité des modes d’insertion qu’aucun mouvement social de l’insertion n’a pu unifier, en raison de la diversité des identités et des cultures de ses acteurs (travailleurs sociaux, formateurs, syndicalistes, agents de développement, etc.). Pourtant, au-delà de la lutte contre le chômage et contre l’exclusion, quelque chose paraît faire finalité commune : le refus de l’assistance et la volonté d’être acteur de son parcours

En même temps, paradoxalement, les SIAE ont toujours rencontré des difficultés à lier des relations de coopération avec les entreprises, le monde de l’insertion et celui des entreprises continuant tragiquement à s’ignorer l’un l’autre.

Je vous partage chers collegues cette histoire, car elle est la nôtre, elle nous interroge sur ce que nous entrevoyons à travers l’insertion, elle nous permet aussi de nous questionner sur le fond, l’insertion sert-elle à faire face à des carences qu’il faut combler par rapport à un système capitalistique du monde du travail, où doit-elle participer à ouvrir de nouvelles perspectives sur les services que certaines entreprises ne peuvent, ou plutôt ne veulent réaliser dans un monde ou la question financière et le chômage de masse en regard sont le référentiel. En fait chers collègues à travers les Structures d’Insertion par l’Economie il s’agit aussi de voir comment nous pouvons proposer un autre modèle économique, un modèle finalement qui considère la personne avec ses talents, ses forces, ses appétences.

Cette délibération permet de stabiliser notre action auprès de 19 structures IAE dans un contexte de crise actuelle, la métropole participe à hauteur de 596000 euros ( et 9000 euros pour EPISOL ) pour permettre à près de 600 personnes d’être acteur actrice de sa démarche d’emploi.